Dans un rapport consacré aux risques du Sniper, produit en théorie interdit à la vente en France et parfois utilisé contre les punaises de lit, l’Anses appelle notamment à renforcer les contrôles et mieux informer les potentiels acheteurs.
La scène se joue en mai (2023, mais toujours d’actualité), à Paris. Un bébé est gravement intoxiqué, passe deux semaines en réanimation et manque de mourir après avoir avalé le tiers d’un flacon de Sniper, un insecticide en théorie interdit à la vente en France qui traînait dans son logement. La famille se l’était procuré au marché. Sans doute voulait-elle lutter contre des insectes envahisseurs, ce produit toxique étant présenté sur les réseaux sociaux comme miracle contre les punaises de lit et autres nuisibles.
À la suite cet épisode, « on s’est dit qu’il fallait faire une grande étude de toxicovigilance pour faire vraiment bouger les choses », raconte le Dr Juliette Bloch, directrice des alertes et des vigilances sanitaires à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Les résultats sont parus. Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2023, les centres antipoison ont été contactés lors de 170 événements distincts, concernant au total plus de 200 personnes exposées au Sniper. Le nombre d’appels augmente au fil des années, suivant la même tendance que les recherches Google pour « punaises de lit ».
L’utilisation du snipper et d’autres insecticides interdits à la vente est un véritable « problème de santé publique », alerte l’Anses. « Ces données ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Pour un appel à un centre antipoison, il y a peut-être 10 ou 15 cas d’intoxications », pointe Juliette Bloch.
23 cas graves
Contrairement à ce que l’on pourrait penser s’agissant d’un produit en théorie interdit, les ventes sur Internet ne représentent qu’une petite part du total. Le Sniper a le plus souvent été obtenu sur un marché ou dans un magasin. Il est facilement accessible dans certains quartiers.
Trois types de profils de personnes intoxiqués ressortent. Celui le plus fréquent concerne des adultes de 20 à 60 ans, généralement des femmes, qui ont voulu lutter contre les punaises de lit, cafards et autres insectes. Ils ont pu se sentir mal après avoir utilisé le produit sans respecter les mesures de prévention, ou alors en revenant trop vite dans un lieu traité.
La deuxième catégorie regroupe des enfants, laissés sans surveillance et qui n’étaient pas conscients des risques du Sniper. « Le produit (en poudre ou en liquide) doit être dilué dans de l’eau. Donc on le sort, on le verse dans des récipients, mais sans faire attention ni utiliser de bouchons de sécurité », décrit Juliette Bloch. Enfin, les tentatives de suicides complètent le tableau.
Le lien de cause à effet est systématiquement déterminé par les enquêteurs, de « douteux » à « très probable ». Les symptômes rapportés sont nombreux : troubles respiratoires, toux, vertiges, douleurs aux yeux, vomissements (surtout en cas d’ingestion du produit, etc.). Heureusement, la grande majorité des personnes souffrantes, âgées de 27 ans en moyenne, s’en sont remises facilement. 14 cas ont été jugés de gravité « moyenne », tous après utilisation du Sniper à domicile.
Neuf autres événements sont rapportés avec une gravité « forte », le plus souvent (dans six cas sur neuf) après une tentative de suicide en avalant du produit. Trois personnes ont présenté des séquelles plusieurs mois après l’exposition, principalement une faiblesse musculaire (parfois après un passage en réanimation) ou des troubles anxieux.
Appel à durcir les contrôles
Les utilisateurs du Sniper ne savent pas forcément qu’il s’agit d’un produit interdit, indiquent les auteurs du rapport. L’Anses appelle ainsi à mieux « informer le grand public » concernant ces substances particulièrement dangereuses et « les risques qu’il y a à les utiliser », mais aussi à « renforcer les contrôles sur les marchés et les boutiques ». « Il existe des alternatives autorisées et moins dangereuses » pour lutter contre les punaises de lit, insiste Juliette Bloch.
Badinews/Le Parisien